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La petite fille des bois



La petite fille vivait seule dans sa petite maison de la forêt, seule avec la vieille horloge qui avait toujours été dans la maison.

Il n'y avait nul besoin de remonter l'horloge.

Jour après jour, année après année, elle égrenait son fidèle « Tic-Tac », « Tic-Tac » sans jamais se lasser.

C'était la seule présence que la petite fille connaissait.


Alors, un jour, nous sommes venu lui rendre visite.

Nous étions fort nombreux en vérité.

Au début du cortège venaient les plus anciens d'entre nous. Courbés, ployés sous le poids des ans, ils avançaient lentement. Un pas après l'autre, à leur rythme. Une profonde lassitude semblait parcourir leur vieux corps, tandis que le cœur était joyeux et plein d'entrain.

C'est aussi que nous, les plus jeunes et les plus vifs, nous venions juste après. Nous soutenions les anciens de notre jeunesse, de notre pureté, de nos éclats de vie.

Nous avions un profond, un immense respect pour ceux qui venaient avant nous, et qui portaient tout le poids de la sagesse accumulée au fil des ans, le poids de la tradition et de la connaissance.

Et pourtant, quelque part en nous, nous savions, nous avions toujours sur que cette sagesse millénaire n'était pas, ne serait pas la notre. Qu'une autre forme de connaissance, plus élémentaire, plus directe, plus légère, tinterait un jour au fond de nos oreilles réjouies.

Ainsi donc nous avancions, et lorsque nous arrivâmes devant la maison, nous nous arrêtâmes.


La petite fille sortit de sa maison et nous regarda.


Nous n'avions pas frappé à la porte, nous n'avions pas annoncé notre venue.

La petite fille nous regarda, et pourtant elle ne nous voyait pas.

Et nous, nous la regardions intensément, et nous savions qu'elle ne nous voyait pas.

Elle ne pouvait pas non plus nous entendre, elle ne pouvait entendre le vacarme joyeux que nous avions entraîné avec nous sur le chemin. Dans le monde de matière, notre venue était inaperçue.

Et pourtant la petite fille nous regardait. Elle regarda chacun d'entre nous, l'un après l'autre, avec autant d'attention pour chacun que s'il avait été son unique visiteur.

Elle nous regarda en silence, et dans ce silence un espace fut créé, et dans cet espace un océan reflua.

L'eau se condensa, et une cascade de diamants multicolores se déversa sur le monde.


La petite fille se mit à parler.

« Je sais maintenant que j'ai le choix.

Je peux choisir de rester ici, et de continuer dans ma petite maison comme je l'ai toujours fait.

Choisir de rester ici avec la vieille horloge, son « Tic-Tac » et les murs que je connais.

Ou je peux venir avec vous, et abandonner tout cela, laisser derrière moi ce que j'ai été et ce que j'aurais pu être.

Je vais aller avec vous.

Mais seulement un peu. Je vais marcher, et puis je vais m'arrêter. »


Alors nous nous retournâmes tous, les plus jeunes allèrent de l'avant, puis nos aînés, puis la petite fille. Et nous avançâmes, lentement, tranquillement, en silence.

Mais nous étions fort nombreux, encore plus nombreux qu'à l'aller. Ce fut un véritable concert hors de la matière qui guida nos pas.

Nous marchâmes jusqu'à arriver dans une très belle clairière, et la petite fille s arrêta.


« Je reste ici.

Si j'allais plus loin, je quitterai définitivement le monde des humains. Je redeviendrai la part de moi qui est comme vous.

Et cela, je ne le peux pas.

J'ai encore beaucoup à apprendre.

Je vais rester ici, dans la clairière, dans la forêt. Et la forêt va m'enseigner.

Et vous allez m'enseigner, aussi. Venez me voir. Venez me voir aussi souvent que possible. Je resterai ouverte à vous, mon cœur sera toujours ouvert. Je vous entendrai, je vous écouterai. J'ai beaucoup à apprendre de vous.

Et lorsque j'aurai suffisamment appris de la forêt et de vous, je partirai.

Alors seulement, je rejoindrai le monde des humains pour transmettre ce que j'ai reçu.

Alors, je vous quitterai, mais mon cœur sera toujours relié aux vôtres, et je ne serai jamais loin.

Ce sera alors à mon tour d'enseigner. J'apprendrai aux êtres des villes et des villages ce que c'est que d'être un arbre, une forêt, une fleur, un Elfe des bois.

Je leur apprendrai la joie du torrent qui s'ébroue, la concentration de la Fée qui fait venir le printemps, la sévérité de la montagne qui met en garde.

Je leur apprendrai les mille couleurs de la vie, les mille façons d'être vivant ici, sur Terre.

Je leur rappellerai qui ils sont, qui ils ont toujours été : des êtres Sacrés, honorés par la Vie, et qui se doivent de l'honorer en retour.

Je me mettrai à leur service, et alors c'est d'eux que j'apprendrai.

Et à ce moment-là, peut-être, c'est parmi vous que je reviendrai. Lorsque j'aurai suffisamment appris d'eux.

C'est que vous aussi, vous avez beaucoup à apprendre d'eux.

Vous avez beaucoup à apprendre du Peuple Humain. »


C'est ainsi que la petite fille parla.

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